Petit extrait de mon prochain livre…
« Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique » écrivait Friedrich Nietzsche.
Qui juge? Qui critique et perçoit l’autre régulièrement dans ses faiblesses, ses échecs, ses douleurs et sa différence? L’adulte! Et parce que, en grandissant, nous perdons notre capacité à voir le monde et l’autre dans leur immensité et leur beauté, nous oublions que l’enfant, lui, là où il porte son regard, voit encore tout cela.
« L’enfant est sans préjugés, qualité première d’un grand philosophe. Il perçoit le monde tel qu’il est sans idées a priori qui faussent notre monde d’adulte » prétendait Jostein Gardeer.
Je me suis posé cette question, de nombreuses fois, en discutant avec des amis, de la famille, des collègues : puis-je parler librement de ma maladie sans être jugée? Sans que l’autre en face de moi me voie différente, faible, insuffisante ou incapable?
Dire sa vérité, sa réalité, son expérience et ses douleurs, au risque d’être stigmatisé et montré du doigt. Le jeu en vaut-il la chandelle?
Refuser de se dévoiler, dans un monde toujours plus dominé par l’égo (l’escroc qui nous fait emprunter les masques), pour ne pas risquer d’être découvert. Mais découvert comme quoi finalement? Fou?
Qu’est-ce qu’un fou? De quel point de vue parle-t-on? En reprenant Camus, qui disait que nous sommes tous l’étranger de quelqu’un, je dis que nous sommes aussi tous le fou de quelqu’un. Alors cessons d’avoir peur de ce mot qui ne signifie rien, sinon l’ignorance et la peur de l’autre.
Je me suis demandé, en écrivant mon introduction, ce qui arriverait quand je me serais dévoilée ainsi, vieille angoisse que je croyais disparue. Et puis, j’ai relu ces quelques lignes de Thierry Janssen dans Confidences d’homme en quête de cohérence :
« Je crois que j’ai peur. Ne me suis-je pas trop dévoilé dans ces Confidences? Ne se trouvera-t-il pas quelqu’un pour critiquer ma démarche, juger négativement ce que j’ai raconté, utiliser contre moi ce qui pourrait être considéré comme des failles de ma personnalité? J’inspire profondément, je m’ancre dans mon ventre, je pose mes deux pieds sur le sol et j’expire lentement. Je m’apaise. J’ai fait taire la voix apeurée de mon égo. Tout est bien »
Nous sommes sans contredit tous en quête de cohérence et, pour cela, il ne nous faut plus être définis par cet égo mesquin qui nous oblige à nous cacher. Il faut être et dire ce qu’on est vraiment, ce qu’on vit.
« qui juge ? l’adulte », en lisant cette phrase je me suis demandé si l’enfant était capable ou non de juger autrui …
Et bien je pense, qu’il n’est pas nécessaire d’attendre l’âge adulte pour que le jugement soit présent dans la vie, hélas, je pense même que dès la maternelle il y a des jugements des uns vis-à-vis des autres, des jugements gratuits, des jugements qui font mal.
Alors, la question serait : est-ce que le jugement vient du conditionnement de l’enfant par la vision de l’adulte, ou bien ce jugement est-il simplement naturel dans la nature humaine ?
« l’enfant est sans préjugés », certainement, dans le fond, mais il est vrai aussi qu’il est lié à la propre histoire des ses parents, de son entourage, de son expérience.
J’avoue que je pense plutôt que l’enfant est rempli de rêves et qu’il n’y voit pas d’obstacle, son imagination le porte à découvrir toujours au-delà de la réalité qui l‘entoure, il est au départ , comme un aventurier à la Robinson Crusoé, seul sur cette plage à découvrir le monde.
Son quotidien est une découverte permanente de différences qui le remplissent de sensations, d’étonnement, de curiosité. C’est cela sa richesse, se laisser emporter dans toutes ces expériences sensorielles qui le transportent.
Le jugement vient après, toujours, de la vie ensemble, de la société, pourquoi ? Je ne sais pas …
Je vous cite : « puis-je parler librement de ma maladie sans être jugée? Sans que l’autre en face de moi me voie différente, faible, insuffisante ou incapable? »
Je m’arrête à ce mot « différente », et ce désir que vous avez que l’autre ne le voit pas, mais, qu’est-ce que c’est chouette d’être différent, d’être soi, de ne pas avoir peur de le rester, non ?
Etre différent est loin d’être une faiblesse, avoir des failles aussi, au contraire, l’assumer c’est peut-être l’une des plus grande force pour avancer et progresser.
Sommes-nous toujours le fou de quelqu’un ? C’est amusant cette question, je ne me la suis jamais posée .. j’y réfléchis …si la folie consiste à ne pas rentrer dans la norme, certainement, si la folie consiste à perdre toute logique qui nous empêcherait d’être compris de tous, peut-être aussi, vaste réflexion et il me faudrait plus que quelques minutes pour en trouver toutes les pistes .
Je vous suis à 100% : « Il faut être et dire ce qu’on est vraiment, ce qu’on vit. »
Oui le jugement vient bien après, alors que l’enfant petit è petit est inondé des oui mais de l’adulte, de sa vision étriquée et pessimiste parfois et découvre, bouche-bée mais terriblement triste que le monde de l’adulte ne sera définitivement plus celui qui l’a bercé….