Je te vois

Scène de rue ordinaire:

La mère absorbée par son téléphone portable marche devant son enfant qui observe, tranquille la rue qui vit. Elle passe devant un homme assis par terre avec son chien et ses quelques sacs contenant toute sa vie.

L’enfant s’immobilise devant lui et le regarde intensément. De sa hauteur, il est face à face avec l’homme et lui sourit, de tous ses yeux. Ils ne se parlent pas, mais échangent pourtant l’essentiel de l’humain :

 

Sawabona. C’est la façon dont les tribus du nord du Natal en Afrique du Sud se saluent. Cela signifie « Je te vois », « Je te vois dans toute ta réalité » , « Tu es important pour moi ».

 

En retour, les gens vous gratifient d’un Sikbona, qui veut dire « Je suis ici », « Quand vous me regardez, vous me faites exister ». Quand vous êtes-vous senti exister dans un regard échangé avec quelqu’un croisé dans la rue, chez vous, au travail?

 

Comment regarde-t-on l’autre? Souvent de loin, de façon approximative, distraite. Regard sociétal qui scanne de haut en bas, de gauche à droite, qui jauge, qui évalue, estime, juge, condamne, compare, envie.

Nous ne savons plus regarder car nous ne supportons pas de l’être : peur d’être mis à nu, découvert. Alors le regard se fait superficiel.

Il effleure à peine mais ne reconnaît pas l’autre dans ce qu’il est.

 

Si vous preniez le temps de regarder vraiment l’autre en face de vous, que pourriez- vous voir? Allez-y, approchez-vous encore un peu plus près :

Un geste précipité et fébrile qui trahit une hésitation, une peur peut-être…

Un tissu qui cache et dévoile une peau abimée mais vivante…

Des lunettes qui envahissent le visage et cachent une expression d’incertitude…

Des yeux qui se plissent et dévoilent une émotion, un bout du passé qui surgit...

 

Ce que l’on voit, c’est l’autre vivant, tel qu’il est :l’autre et son passé avec ses cicatrices, sa lutte dans le présent, ses craintes du futur…

Son visage qui combat courageusement certains démons, en toute beauté.

 

Quel est ce regard qui voit l’autre vraiment? C’est celui de la compassion, de l’authenticité, celui avec lequel un enfant porte son regard sur le monde.

 

 

Malheureusement, nous perdons en grandissant ce sens si précieux, celui de « voir réellement », pour acquérir une vision anatomique, chirurgicale de l’autre, que l’on regarde par morceaux…en oubliant cette vision globale, humaine et spirituelle…

 

Voir et regarder l’autre vraiment, c’est entamer un dialogue silencieux. Et vous : Êtes-vous prêt à retrouver la vue et à vous laisser éblouir à nouveau par les couleurs de l’autre, l’autre si différent et si beau?

 

 

Lorsque votre enfant vous demande « papa, maman, regardez-moi » , le regardez-vous pour reconnaître ce qu’il est, tel qu’il est, ce qu’il fait vraiment?

Pourriez-vous intégrer le Sawabona dans votre vie?


Copyright © 2018 Céline Lamy. Tous droits réservés.