Pré-juger ou la folie des étiquettes

Le préjugé, selon la définition du dictionnaire est une opinion, une croyance préconçue, souvent imposée par le milieu, l’époque: on dit coller une étiquette... Pré-juger, selon moi, c’est le fait de juger l’autre avant de le connaître vraiment. Le juger sur pièce, sans préavis, selon notre humeur, croyance, valeur, émotion du moment.

Et quelle est cette émotion qui juge et condamne? Le plus souvent la peur, alimentée par l’ignorance. Peur de l’autre, de sa différence, de sa singularité, de son accoutrement bizarre, de son rire trop fort, de ses phrases étranges, de sa FOLIE.

Juger l’autre fou à cause de notre peur, c’est aussi reconnaître en lui, enfoui, une part de nous dont nous avons honte et que l’on veut soigneusement taire ou cette part lumineuse et authentique que l’on n’ose pas mettre en lumière... c’est le mettre sur une autre rive, rive où l’on n’est pas, rassurant donc.

 

Qui est votre fou à vous?

Nous sommes tous le fou de quelqu’un alors de qui êtes vous le fou?

 

Qui vous juge “trop quelque chose” ou “pas assez”, bref ANORMAL?

Et si le préjugé allait au delà de la question de folie mais de la normalité?

Désormais toute sortie de rail, de la normalité établie et codifiée, est qualifiée de pathologique et diagnostiquée, étiquetée.

Alors pour se conformer, certains se contorsionnent et essaient d’être quelqu’un d’autre.

Se conformer à l’opinion de l’autre, c’est comme regarder dans un miroir brisé et faire des grimaces et des mouvements de visage pour essayer de paraître « beau et normal » au travers du miroir cassé... Essayez pour voir, vous verrez comme c’est épuisant et... impossible!!

Alors imaginez faire cela tous les jours, pour chaque mouvement, chaque geste, chaque pensée...

Se conformer pour être normal.

Où va cette société qui semble obliger chacun à se conformer à une normalité pour éviter d’être pré-jugé?

 

Cette question devient encore plus aiguë lorsque l’on pense à nos enfants qui, dès l’entrée à l’école, semblent parfois ne pas répondre au cadre, rentrer dans le moule...

Deux options alors:

 

  • Répondre à cette non-conformité par un ou des diagnostics (et l’éventuelle prescription de médication qui en découle)
  • Questionner le système qui fabrique “des copies qu’on forme” magnifique jeu de mot que j’ai lu sur le net.

 

Alors lutter contre les préjugés, la stigmatisation des troubles psychiatriques, oui évidemment. Toujours et encore besoin.

 

Mais quand réfléchirons-nous également à cette question de la norme, du besoin de la société de tout redresser, recadrer en fonction de critères qui, dans notre société actuelle ne semble peut être plus tant d’actualité...

Vaste sujet, polémique j’en conviens, mais comment expliquer alors que tant de professeurs, éducateurs, philosophes, médecins, parents et professionnels de tout bord se questionnent sur ce besoin societal de normaliser l’autre dès l’enfance?

 

En tant que pédopsychiatre qui voit chaque jour des enfants adressés pour des sorties de cadre, des enfants jugés “trop ou pas assez”, par l’école, le système, les parents parfois, il est important de me questionner sur mon rôle et prendre du recul:

Dois-je et est-ce que je veux participer et encourager ce système normatif, générateur de tant de malaise, d’inconfort, d’isolement, de solitude et de souffrance?

Dois-je participer à ajouter des étiquettes sur le dos de l’autre?

Ces étiquettes qui nous collent à la peau?

Ma réponse est toute trouvée!

 

 

Et vous:

Quelles sont vos étiquettes? Êtes-vous dans la norme de ce que votre système familial, puis scolaire et enfin professionnel et sociétal a “voulu” de vous ?

Comment vivez-vous au quotidien cette grimace face au miroir brisé?


Copyright © 2018 Céline Lamy. Tous droits réservés.


8 thoughts on “Pré-juger ou la folie des étiquettes

  1. Merci pour ces textes, éclairants, synthétiques et magnifiquement écrits ! des articles qui font du bien 🙂
    Je partage complètement et suis d’ailleurs adepte du modèle de l’école de Palo Alto, thérapie systémique non pathologisante, non normative.

    1. Bonjour et merci Stephanie! oui aux pratiques non pathologisantes qui accueillent chacun dans sa globalité, dans son caractère singulier et beau!
      À bientôt
      Céline

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